mercredi 7 septembre 2011

LES GRACQUES OU LES GRECS, IL FAUT CHOISIR

07/09/2011 : J – 241
Nous terminerons notre revue littéraire de rentrée par un dernier ouvrage : " ce qui ne peut plus durer ", écrit par un groupe de hauts fonctionnaires et membres de la société civile, les Gracques(1).
Si le sujet n’est pas joyeux (la crise de la dette), cet ouvrage passionnant se lit comme un roman policier. Dommage que la victime soit la France et que l’on ne découvre pas le coupable !
Précisons d’entrée  que les Gracques se veulent résolument de gauche. Ils prônent une gauche moderne, capable de réinventer l’état-providence. Il faut le lire comme une exhortation au parti socialiste dont il se reconnaît très proche (la plupart de ses membres a participé aux cabinets ministériels sous Mitterrand et Jospin).
Le diagnostic tout d’abord : la France est au bord du gouffre et l’heure de la vérité va sonner en 2012 ou 2013, c’est-à-dire lorsque les moyens mis en œuvre pour sauver les Etats les plus mal en point de la zone euros  auront été épuisés.
A ce moment là, les marchés vont procéder à un bilan précis des progrès qui auront été accomplis dans chaque pays pour réduire l’endettement. Ceux qui présenteront un risque d’insolvabilité n’auront plus accès aux marchés financiers.
Aux esprits subtils qui pensent que c’est tant pis pour ces deniers: on cessera de les rembourser, les Gracques rappellent que les 2/3 des créanciers sont nos banques, nos assurances, nos caisses de retraite et que le collapse s’étendra immédiatement à toute l’économie.
Les pays les plus menacés sont ceux qui ont un déficit primaire (c’est-à-dire dont les recettes courantes sont inférieures aux dépenses courantes hors intérêts de la dette). La France est-elle dans ce cas ? Oui. Il lui faut donc revenir très vite à l’équilibre primaire, ce qui équivaut à ramener le déficit des comptes publics au-dessous des  fameux 3 % du PIB  (la vraie règle d’or !).
La solution ? Un effort de 70 milliards par an …
Comment ? Il faut faire le choix de la vérité.
" Le choix de la vérité, c’est reconnaître que cet ajustement ne pourra se faire sans une hausse très nette des impôts " et, " comme la compétitivité des entreprises s’est détériorée, on ne pourra pas augmenter leurs charges …  cela veut dire que les ménages devront supporter la majeure partie de l’effort ".
" Le choix de la vérité c’est aussi d’affirmer que la hausse des impôts… ne pourra tout faire. Si les nouvelles recettes fiscales représentent la moitié du chemin, c’est-à-dire 35 milliards, le taux de prélèvements obligatoires augmentera d’environ 2 points à 45 % du PIB… le niveau le plus élevé que la France ait jamais expérimenté. Au-delà, on entre dans des territoires inconnus ".
" Le choix de la vérité, c’est enfin que la gauche admette que l’effort résiduel qu’il faudra fournir devra provenir des autres dépenses de l’Etat, de la sécurité sociale, des collectivités locales ".
Conclusion : " les nouveaux gouvernants élus, qu’ils soient de droite ou de gauche auront donc intérêt à ne pas avoir trop promis et à disposer d’une majorité gouvernable ". Suivez mon regard !
Voilà. Pour une fois, et pour ceux qui auront le courage de continuer, nous allons faire plus long. Pour citer des morceaux choisis de l’ouvrage, et détailler le chiffrage des 70 milliards. Cela vaut la peine.


MORCEAUX CHOISIS

" Une grave crise s’est enclenchée en 2008. Ce n’est pas la crise finale du capitalisme. Ce n’est pas la remise en cause de l’économie de marché… Elle a, dans l’histoire des crises financières, la caractéristique unique de provenir de ce que les banques ont trop prêté aux … pauvres".

" Quand une chose est  bon marché comme la dette (en raison des faibles taux d’intérêt) on a tendance à la surconsommer. Pour payer plus de fonctionnaires …, pour financer nos feuilles de sécurité sociale ou le poids croissant de nos retraites, en en renvoyant la charge à nos enfants qui ne sont pas en âge de voter ".

" A la classe politique nous disons que le temps est venu d’en finir avec le cumul des mandats et de renforcer les règles pour éviter les conflits d’intérêt ".
 "Aux dirigeants d’entreprise, nous disons que la pratique des parachutes dorés doit être plafonnée, que leurs rémunérations doivent être encadrées et que les banquiers d’affaires devront être responsables sur leurs biens personnels ".
"Aux hauts fonctionnaires, nous disons que leur promotion doit s’inscrire dans une procédure plus transparente, que leur engagement durable en politique doit s’accompagner de leur démission de la fonction publique, et que les plus hauts fonctionnaires doivent renoncer aux principes de l’emploi garanti à vie ".

" Mais que se passera-t-il pour la France quand les populistes commenceront à faire entendre leur voix dans la campagne ? ".
" Les discours des hommes politiques, les mouvements de l’opinion, les scores des populistes seront scrutés par les créanciers pour mesurer en amont la disponibilité de chaque pays à consentir les efforts qu’il lui faudra pour maintenir son crédit ".
" C’est pourquoi, s’agissant de la France, notre campagne électorale sera analysée à la loupe. Or ses prémices n’ont rien d’encourageant, avec une classe politique prête à répondre aux pressions corporatistes des clientèles du toujours plus. Une droite républicaine qui nie le besoin d’augmenter   les impôts parce qu’elle les a réduits de façon irresponsable. Une gauche divisée sur la nécessité de la rigueur et, avec une partie du PS, hostile à une réduction indispensable des dépenses et aveugle au nouveau contexte ".
" Bien sûr, on entendra pendant la campagne des hommes politiques promettre que, sur toute la durée du quinquennat, il n’y aura ni hausse de TVA ni hausse de la CSG. Ce sont des menteurs ".


L’ADDITION, S’IL VOUS PLAIT !

Recettes fiscales

1-Contre-paquet fiscal :                                                                                               15 Milliards
(tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ;
hausse de 35 à 50 % de la fiscalité sur les revenus du capital ;
relèvement de la fiscalité des produits d’épargne à long terme (assurance-vie, PEA) ;
niches favorisées (taux des cotisations sociales sur les retraites, emplois à domicile). 

2-Hausses générales :                                                                                                    20 Milliards
TVA : + 2 points
Ou : TVA + 1 point et CSG + 1 point


Total recettes fiscales                                                                                                   35 Milliards

Réductions de dépenses

 (4 % des dépenses publique hors charges de la dette)

1-Dépense de l’Etat :                                                                                                   15 Milliards      
(gel du point d’indice ;
non remplacement de 1  fonctionnaire sur 2 ; 
alignement de l’indexation des retraites des fonctionnaires sur le privé ;
réduction des subventions aux entreprises et des  dépenses de transfert ;
réduction des budgets de la défense nationale et de l’éducation (dans le secondaire).

2-Dépenses des collectivités locales                                                                              15 Milliards
(suppression des départements, regroupement des communes) ;
Gel du point d’indice et non remplacement de 1 fonctionnaire sur 2 ;
Réduction des dépenses de fonctionnement).                                                    


3-Sécurité sociale :                                                                                                       10 Milliards
(réduction des dépenses de fonctionnement ;
plafonnement des indemnités chômage ;
mise sous condition de ressources des allocations familiales ;
nouvelle réforme des retraites (extension de la durée de cotisation).

4-provision pour nouvelles dépenses                                                                         - 5 Milliards                


Total réductions de dépenses                                                                                        35 Milliards

TOTAL DE L’EFFORT BUGETAIRE  (par an,  d’ici 3  ou 5 ans)                                               70 Milliards

CONCLUSION

A ceux qui croient que les technocrates proposent et les politiques disposent nous disons : " attendez que ces derniers soient élus, et vous verrez qui prendra les décisions ".
Pour ce qui nous concerne, et ainsi que l’on a pu le constater, nous partageons le diagnostic et, puisque les remèdes proposés, aussi amers soient-ils, sont de nature à nous sauver, nous y souscrivons. Intégralement. C'est-à-dire qu’il faut qu’elles soient toutes et totalement appliquées. Pas question de laisser les lobbies et les populistes faire un tri.
Chiche ?

(1)Les frères Tiberius et Caius Gracchus, les Gracques, étaient des nobles romains qui, à la fin du 2ème siècle avant J-C., avaient entrepris de réformer la cité. Ils subiront, l’un et l’autre, une mort violente.

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